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Chapitre I  - Comme il faut faire monter une Epée, & choisir une Lame.

Avant que de venir à l’essential de l’Exercise des Armes pour l’Epée seule, & de vous en expliquer les veritables principes, il est à propos d’apprendre la maniere de faire monter une Epée: car pour la connaissance des parties qui la composent, c’est purement le fait du Fourbisseur. Il n’y a personne qui ne sçache ce que c’est que la Garde, la Poignée, la Lame & le Fourreau: C’est ce qui est seulement necessaire à sçavoir, sans embarrasser l’esprit d’un Gentilhomme, en luy parlant du corps d’une Garde, des Quillions, de la Plate, des Pas-d’asnes, & de toutes les façons de Gardes & de Revers. Ainsi je passeray sous silence toutes les choses qui ne regardent mon Exercise que par rapport à l’Epée, & je viendray d’abord à la maniere de la faire monter.

Il faut que l’Epée soit avec un revers ou branche, parceque la main en est mieux garantie. Il y en a pourtant qui la veulent sans revers: Mais quoyque je me declare pour la premiere façon, la jugeant plus commode pour le service, je suis d’avis que chacun la choisisse selon son inclination; parceque si le revers est avantageux contre les coups d’estramaçon, & conserve les doigt, il peut devenir dangereux à ceux qui viennent aux prises.

Il faut que le corps de la Garde & le Pommeau soient bien limez & percez au dedans; car il vaut mieux que l’ouverture de la Garde & le trou du Pommeau soient grands, que d’alterer la soye de l’Epée, en la limant. Je veux dire ce fer qui est au bout de la Lame, que l’on fait entrer dans la Garde, la Poignée & le Pommeau. Et ainsi le Fourbisseur ne mettra que fort peu de bois pour la faire tenir ferme; parceque d’ordinaire si l’on n’y prend garde, il lime trop la soye, pour s’épargner la peine de limer en dedans le corps de la Garde & le Pommeau, puis il met du bois par tout pour templir l’espace vuide, & l’Epée n’en est jamais si ferme. C’est à quoy il faut prendre garde: Et même je conseillerois de la voir monter; car il est arrivé à beaucoup de gens, l’Epée à la main, que la moindre parade ou battement faisoient separer les parties de l’Epée: ce qui causoit de grands accidens. Sur tout que la soye soit bien rivée au bout du Pommeau.

Aprés avoir parlé des qualitez necessaires à la Garde, il faut presentement dire pour la Lame, qu’il dépend de la volonté de la choisir de deux pieds & demy, ou tout au plus de trois. Il me semble que c’est la veritable longueur qu’elle doit avoir. Pour connoistre sa bonté, il sera bon de la visiter par tout, depuis la pointe jusqu’à la soye, dessus l’arreste, & au dedans, si elle n’a que trois quarres; & dessus les deux arrestes, si elle en a quarte. Pour voir s’il n’y a point de paille. Les pailles sont faires comme de petits trous. Les unes sont de travers, les autres de long. Les dernieres ne sont pas si dangereuses. Si vous n’en trouvez point, il faut ensuite la pousser contre la muraille, & remarquer si elle fait bien son cercle en la ployant. Si vous y voyez au arrest, c’est à dire si le plis [?] demeure vers la pointe, & le reste de la Lame droite & roide, c’est un grand deffaut. Mais si elle prend bien son cercle en long, qui réponde environ un pied de la Garde, qui est le fort de l’Epée, c’est la marque de la bonté de la Lame. Si en ployant elle demeure tout-à-fait faussée, c’est signe que le trempe n’en est pas bonne, quoyque pourtant il vaut mieux qu’elle fausse un peu, que de ne point fausser du tout; puisque ce seroit la marque d’une trempe aigre & facile à casser: Mais quand elle fausseroit un peu, ce ne seroit pas un deffaut; au contraire ce seroit signe d’une trempe douce & des meillures. Il seroit bon de la faire émousser par la pointe, & la casser dans l’étau. Quand elle sera rompuë, vous en connoistrez mieux la trempe. Si dans la cassure vous la trouvez de couleur grise, vostre Lame sera fort bonne: Si elle est blanche, c’est tout contraire. D’autres luy sont faire un double cercle, en l’appuyant fort contre le mur ou cloison, & luy sont faire un tour, & la laissent tomber aprés par un mouvement de poignet. C’est ce que plusieurs appellent le tour du chat. Pour moy, lorsque je choisis un Lame, aprés l’avoir visitée comme j’ay dit, je m’en tiens assûré: car si quelquefois ces efforts que l’on sait [fait?] faire à une Lame, ne la sont pas casser dans le moment, elle peut manquer à la premiere épreuve, ayant esté affoiblie [assoiblie?] par les premiers efforts qu’on luy a fait faire. Il faut toûjours faire monter sa Lame toute doite. A l’égard de la Poignée, cela dépend de la diversité des sentimens, & sur tout des grandeurs de mains; puisque quelques-uns l’aiment grosse, & les autres menuë; les uns quarrée, & les autres ronde. Pour moy je la veux un peu longue & quarrée, la main en est plus à son aise, & l’on en tient mieux son Epée: Mais chacun se doit satisfaire là-dessus.